Comment la méthode du chemin critique peut apporter des clés en gestion de projet
En tant que chef de projet ou dirigeant d’entreprise, vous êtes probablement en charge d’optimiser l’efficacité des processus que vous mettez en place. Toutes les entreprises ont pour objectif d’approfondir au maximum les processus qui les maintiennent à flot. Pour les organisations vastes et complexes, identifier la chronologie exacte de la réalisation d'un projet ou d'un rituel d’équipe peut s'avérer un exercice difficile, qui débouche souvent sur peu d’informations exploitables dans l’immédiat.
Les responsables en stratégie ont découvert qu'il existe des moyens d'utiliser l’algorithmie pour élaborer une vision d’ensemble plus claire des processus fonctionnels au sein d'une organisation. L'un des outils qui illustre le mieux ce raisonnement est la méthode du chemin critique, également connue sous le nom de CPM (Critical Path Method), qui permet de mieux comprendre l'effet "critique" du temps sur un projet, et de mieux prendre des décisions sur l'allocation des ressources aux différentes tâches qui le composent.
Qu'est-ce que la méthode du chemin critique ?
La méthode du chemin critique est un outil puissant qui permet aux équipes de gestion de projet de mieux contrôler chacun d’entre eux à un niveau granulaire, en établissant une cartographie des tâches et de leurs délais respectifs, pour donner une vue globale du projet. Grâce à cette méthode, les équipes sont également en mesure de mieux gérer l'allocation du budget, la planification, et même de surveiller plus efficacement l'avancement du projet pour s'assurer que tout est sur la bonne voie.
La méthode du chemin critique aide également les gestionnaires à analyser les projets terminés qui ont eu recours à cet outil, pour mieux voir quelles tâches ont pu ralentir le processus et comment mieux se préparer pour des projets similaires à l'avenir. Parfois, vous pourrez aussi rencontrer l’expression d'”analyse du chemin critique”, ou CPA (Critical Path Analysis). Les deux expressions sont interchangeables, et se concentrent sur la cartographie des tâches-clés qui sont nécessaires à l'achèvement d'un projet.
Dans un article de la Harvard Business Review, les auteurs F.K. Levy, G.L. Thompson et J.D. Wiest décrivent les types de projets qui se prêtent le mieux à l'utilisation de la méthode du chemin critique :
- Les projets consistent idéalement en un ensemble bien défini de tâches, d'activités ou de travaux, dont les points de départ et d'arrivée sont clairement identifiables et mesurables.
- Chaque tâche, activité ou travail peut être lancé ou arrêté indépendamment des autres (même ceux qui ont des dépendances), ce qui le distingue des "processus à flux continu" qui sont bien définis dans leur stricte adhésion à une routine spécifique.
- Les tâches ont un "chemin séquentiel" défini, ou une séquence prédéterminée à suivre pour un projet spécifique.
Si votre projet répond à ces trois critères, vous pouvez certainement utiliser la méthode du chemin critique pour mieux définir les étapes et les tâches nécessaires à sa réalisation.
Comment est apparue la méthode du chemin critique ?
Ce sont James Kelley et Morgan Walker, respectivement de Remington Rand et de DuPont, qui ont donné naissance à la première version de la méthode du chemin critique. Confrontés aux différentes inefficacités de production causées par les arrêts et autres problèmes de système, ils devaient trouver un moyen d'identifier correctement les itinéraires de production "critiques", afin de pouvoir ajuster les goulots d'étranglement et les délais de livraison en conséquence.
Ils ont tous deux publié la théorie de leur opération dans leur article Critical-Path Planning and Scheduling en 1959, date à laquelle le CPM a commencé à être utilisé pour d'autres systèmes industriels.
Concepts-clés à comprendre
Avant d'utiliser la méthode du chemin critique dans votre projet, il est important de présenter quelques concepts fondamentaux qui peuvent vous aider à mieux comprendre les différents éléments qui entrent dans cette analyse.
Heures de début et de fin
L'une des choses les plus importantes lorsqu'il s'agit de l'utilisation de la méthodologie du chemin critique est de comprendre le temps de début et de fin qui entre en compte dans l'analyse de chaque tâche. D'une manière générale, les heures de début et de fin de toute tâche sont assez intuitives, dans la mesure où l'heure de début désigne le moment où quelque chose commence pendant la durée d'un projet, tandis que l’heure de fin désigne le moment où cette tâche se termine. Si vous l'illustrez dans une formule, vous pouvez exprimer la relation entre les heures de début et de fin comme suit :
Heure de début + Durée de la tâche = Heure de fin
Dans le cadre de l'analyse CPM, il y a aussi les moments qualifiés de “début au plus tôt” et de “fin au plus tard”. Nous reviendrons plus en détail sur ces deux concepts par la suite, mais en gros, le début au plus tôt est le moment où un projet particulier peut commencer et la fin au plus tard est le temps le plus long qu'il faudra dans l’absolu pour terminer une tâche.
Dépendances des tâches
Comme vous l'avez peut-être constaté dans votre propre gestion de projet, certaines tâches ne peuvent être commencées que lorsque vous avez terminé une tâche précédente. Dans le système de la méthode du chemin critique, on appelle cela des "dépendances de tâches", où une tâche spécifique doit être indiquée comme suivant une tâche précédente pour pouvoir commencer. Pour prendre une image très simple, on ne peut pas faire cuire une omelette sans avoir d'abord cassé les œufs.
Les dépendances des tâches sont importantes non seulement pour obtenir le délai total d'un parcours particulier dans votre projet, mais aussi pour identifier les tâches que vous pouvez exécuter en parallèle ou en même temps qu'une autre tâche. Cette seule démarche peut vous aider à découvrir des gains d'efficacité que vous n'auriez peut-être pas réalisés auparavant.
Temps flottant ou temps libre
La plupart des projets sur lesquels vous avez probablement travaillé comportent une certaine dimension de flexibilité dans chaque tâche. Vous pouvez envisager de terminer une certaine partie d'un projet dans un délai donné, mais finalement dépasser ce délai suite à des contraintes imprévues. Cela peut parfois poser un problème à votre organisation, c'est pourquoi les chefs de projet prévoient en général ce que l'on appelle familièrement un temps "tampon" pour tenir compte des variables qui peuvent échapper à leur contrôle.
Dans la méthode du chemin critique, ce temps tampon est appelé "marge" ou "marge de manœuvre", c'est-à-dire la quantité de temps d'un projet donné qui peut être retardée avant d'avoir un impact sur l'échéance réelle du projet.
Étapes d'utilisation de la méthode du chemin critique
Si l'on se penche maintenant sur la méthode du chemin critique proprement dite, on constate qu'il faut suivre 6 étapes différentes pour exécuter correctement un cadre de chemin critique viable et solide dans votre cycle de gestion de projet. Pour mieux illustrer les différentes étapes de la méthode du chemin critique, nous utiliserons un hypothétique "Projet A" comme exemple de projet.
Définissez vos activités
Imaginons maintenant que le projet A est un projet qui a déjà été réalisé par votre entreprise et que vous êtes maintenant chargés de le gérer par vous-mêmes. Vous avez reçu des informations sur les itérations précédentes du projet, et vous avez donc une bonne idée des tâches nécessaires pour le mener à bien.
Pour appliquer la méthode du chemin critique au projet A, il faudra donc commencer par identifier les activités proprement dites. Dans cette première étape, vous devrez définir les différentes tâches ou travaux du projet A qui sont nécessaires à son aboutissement. Pour notre exemple, imaginons ce qui suit.
Suivant une structure “Tâche - Durée (heures)” :
- A - 3
- B - 5
- C - 5
- D - 7
- E - 5
- F - 3
Comme vous pouvez le constater, il est important de noter ici la durée prévue pour réaliser chaque tâche spécifique. La durée elle-même peut être exprimée en minutes, en heures ou même en jours, selon le contexte de votre projet. Pour ce projet A, nous utiliserons les heures comme unité de mesure pour les périodes de temps.
Identifiez les dépendances éventuelles
Une fois que vous avez défini les différentes étapes d'un projet, vous devez commencer à identifier les dépendances entre les tâches. N'oubliez pas que les dépendances correspondent à des tâches qui doivent être achevées pour pouvoir passer à la tâche suivante de la séquence.
Pour le projet A, disons que les dépendances sont les suivantes :
- A - 3 - Aucune
- B - 5 - A
- C - 5 - B
- D - 7 - A
- E - 5 - D
- F - 3 - E,C
Sur la base des données ci-dessus, nous pouvons voir que la tâche A est notre tâche de départ car elle n'a pas de dépendances, tandis que les tâches B et D suivent des lignes de branchement à partir de la tâche A et font diverger le chemin du projet en deux. Chaque chemin se poursuit avec les tâches C et E, respectivement, jusqu'à ce qu'elles se rejoignent pour la tâche finale F.
Visualisez simplement à l’aide d’une représentation en réseau
Vous avez peut-être du mal à vous représenter les différentes étapes présentées ci-dessus dans un ordre séquentiel, et c'est compréhensible car il est difficile de simplement s’imaginer le séquencement avec un simple exposé écrit. C'est pourquoi un élément-clé de la méthode du chemin critique consiste à visualiser les tâches de manière organisée. La plupart des chefs de projet utilisent le diagramme de Gantt pour cela, mais à des fins d'illustration, nous utiliserons un simple flowchart pour visualiser notre Projet A.
- A > B > C > F
- A > D > E > F
Vous pouvez maintenant mieux voir qu'il y a deux chemins dans notre projet A : un qui va de la tâche A aux tâches B, C et F, et un autre qui va de la tâche A aux tâches D, E et F.
Définissez une chronologie
Maintenant que nous disposons d’une représentation visuelle efficace des étapes du projet, nous devons saisir les échéances de chacun des chemins possibles. Pour faciliter le suivi, vous pouvez disposer chaque tâche sous la forme d'une grille de 2 x 3, avec en haut à gauche le "début au plus tôt", le milieu en haut montrant la tâche elle-même, le haut à droite montrant la "fin au plus tôt", le bas à gauche montrant le "début au plus tard" et le bas à droite montrant la "fin au plus tard". Notez que la tâche de départ (tâche A) aura 0 à la fois comme début au plus tôt et comme fin au plus tard, car il s'agit de la première tâche de notre séquence.
Commençons par le premier processus d'élaboration de ces chronologies, qui consiste à utiliser la méthode du "forward pass". Avec cette méthode, vous additionnez les heures de début et les durées pour obtenir la "fin au plus tôt", que vous répétez ensuite avec chaque étape successive. Par exemple, notre premier chemin (tâches A, B, C et F) a une durée totale de 13 heures, tandis que notre deuxième chemin (tâches A, D, E et F) a une durée totale de 15 heures. Notez qu'en atteignant la tâche F, vous commencerez à faire converger les deux chemins. Dans ce cas, l'heure de début que vous choisirez sera celle dont l'heure de fin est la plus grande (vous ne pouvez pas commencer la tâche F sans avoir terminé la tâche E, dont la durée est plus longue).
Vous travaillez ensuite à l'élaboration de votre "backward pass", qui utilise l'heure de début la plus tardive de votre dernière activité (dans notre cas, la tâche F), et travaillez à reculons sur la base des temps de fin indiqués. Par exemple, si vous travaillez à rebours à partir de notre premier chemin (tâches A, B, C et F), vous commencerez par 15 heures pour la tâche C, en remontant jusqu'à la tâche B avec un début de 5, en soustrayant chaque durée aux temps de fin. Le travail à rebours à partir de notre deuxième chemin (Tâches A, D, E et F) ressemblera beaucoup à la méthode originale du premier passage, ce que vous comprendrez lorsque nous commencerons à analyser le chemin critique.
Identifiez le chemin critique
L'analyse du chemin critique est l'objectif de la méthode du même nom, et se caractérise par le chemin de plus longue durée de votre projet, qui aura également une marge ou une flexibilité nulle entre ses heures de début et de fin.
Dans notre projet A, vous avez peut-être remarqué que le deuxième chemin (tâches A, D, E et F) a la plus longue durée de 15 heures. À partir de là, nous pouvons comprendre que ce chemin est notre chemin critique, ou le chemin qui dicte correctement le temps réel nécessaire à la réalisation du projet. Peu importe que notre premier chemin (tâches A, B, C et F) soit achevé dans un calendrier antérieur, car le deuxième chemin critique devra toujours être achevé pour répondre aux exigences du Projet A. Vous pouvez vérifier ce point en utilisant la méthode du “backward pass”, et en identifiant l'absence de marge ou de temps de flottement entre les heures de début et de fin, que ce soit dans les délais de début ou de fin.
En identifiant le chemin critique, vous pouvez commencer à allouer des ressources pour mieux gérer ce goulot d'étranglement dans votre processus, car ce chemin est un indicateur-clé de la durée de votre projet.
Déterminez les marges éventuelles
Une autre analyse que vous pouvez faire est d'identifier les éventuelles marges du processus lui-même. Puisque nous avons identifié notre deuxième chemin comme étant notre chemin critique, nous comprenons également qu'il sera le plus long à réaliser dans notre projet. Cela signifie que le premier chemin aura une petite marge de manœuvre en termes de temps pour être achevé, car notre projet A dépend de l'achèvement du chemin critique.
Dans notre exemple, la marge totale, c'est-à-dire le temps de marge que votre équipe peut ajouter à la durée d'un chemin donné, est calculée par : Temps total de début au plus tard - Temps total de début au plus tôt, ou par Temps total de fin au plus tard - Temps total de début au plus tôt. Dans ce cas, notre chemin 1 a un temps de marge total de 2 heures, ce qui signifie que le chemin de la tâche peut avoir 2 heures de temps de travail supplémentaires pour être achevé.
Principaux enseignements de la méthode du chemin critique
La méthode du chemin critique est un outil incroyablement puissant pour définir le temps nécessaire à la réalisation d'un projet, et pour identifier les différents goulots d'étranglement présents dans la liste des tâches d'un projet. La méthode de calcul ci-dessus est assez manuelle pour définir des différentes variables aidant votre analyse, et peut être accélérée par l'utilisation d'un logiciel approprié qui peut calculer les différents temps dans votre méthode de chemin critique. N'oubliez pas aussi que l'utilisation de tableaux blancs en ligne peut vous aider à mieux cartographier des processus comme celui-ci, pour ensuite en faciliter l'analyse.